Marcello Comitini – Le joueur d’accordéon

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Depuis quinze ans, il s’asseyait sur les marches de la Place d’Espagne à Rome. Il s’asseyait tous les jours dans un coin pour ne pas déranger ceux qui montaient et descendaient, accablés par leurs fardeaux. Avec les couleurs de l’âme humaine, il avait peint la paume de sa main et l’avait tendue, tandis qu’avec l’autre pressait les touches d’un accordéon. Chaque jour, les couleurs changeaient en nuances. Même la musique était celle de l’âme et chaque jour elle changeait aussi, suscitant la curiosité des passants. Il savait d’être un homme sans valeur, que sa main n’était qu’une illusion, comme une illusion était celle créée par sa musique. Il n’espérait pas que quiconque les remarquerait au-delà de laisser tomber un sourire distrait dans la paume de sa main. Quinze ans passés sur ces marches, quinze ans de sourires reçus et donnés, des mots échangés avec des passants habituels, des regards suspicieux, des paroles irrespectueuses, quelqu’un qui l’avait traité de arrogant qui simulait. Une amie caressait ses mains. Un ami a essayé de le consoler, l’accompagnant de chant, répandant la musique et les couleurs de la main autour de lui.

La main tendue et la musique.

Un jour, il ne s’assiéra plus sur ces marches, mais le monde entier continuera de passer à côté, au-dessus, de l’ombre invisible, que personne ne remarquera. Il ne restera qu’une petite écriture indéchiffrable: « la désillusion avant l’illusion ».
Voici l’image de son ombre après deux années de mendicité durant lesquelles il a dispersé de la musique et des couleurs sur les marches de cette place :

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